Dossier Bois Energie – Partie 1

Selon plusieurs sources du web, les énergies renouvelables (EnR) se définissent comme « des sources d’énergie dont le renouvellement naturel est assez rapide pour qu’elles puissent être considérées comme inépuisables à l’échelle du temps humain ». Comme vous le savez, il y a cinq familles d’énergies renouvelables exploitées de nos jours : les énergies hydraulique, éolienne, solaire, la géothermie et la biomasse. C’est sur cette dernière que nous allons nous pencher en plusieurs épisodes car elle mérite qu’on s’y intéresse de plus près. Mais la biomasse elle-même se décline en trois familles: le biogaz, le bio carburant et le bois énergie ou biomasse solide à qui nous consacrons le premier volet de ce dossier.

Le bois énergie ou la biomasse solide, quoi de neuf ?

Depuis le début des grands défrichements au Xème siècle et la privatisation de la forêt, la législation se met progressivement en place sous Colbert : la forêt « un trésor qu’il faut préserver » pour la prospérité de l’économie et de l’industrie navale. Pendant l’ère industrielle, le bois alimente les hauts-fourneaux de la métallurgie et soutient l’industrialisation, la forêt française perd un million d’hectare entre 1700 et 1827. Sous la Révolution la gestion des bois est confiée aux autorités locales et aux propriétaires privés puis la peur d’une pénurie entraîne sa reprise en main par un code forestier (1827) qui soumet la gestion des propriétés collectives (bois municipaux et domaniaux) au service des eaux et forêts. Au 19ème siècle, les reboisements et l’introduction du charbon font passer l’étendue boisée de 7,5 millions à 9 millions d’hectares. De nos jours, les activités humaines sont devenues énergivores, le réchauffement climatique est passé par là et la forêt est de nouveau au centre des enjeux et s’industrialise davantage. Depuis plusieurs années, le cap est donné par les pouvoirs publics français pour développer la filière bois énergie, réponse non seulement à des besoins en chauffage mais aussi à la production d’électricité. Pour les investisseurs, il s’agit d’une opportunité dans un secteur en plein développement. Le bois énergie, première source d’énergie renouvelable utilisée en France en 2019 représentait 40 % de la production primaire d’énergies renouvelables et 70 % de la consommation primaire d’EnR pour usage de chaleur.

La forêt en question

Dans son rapport « les énergies renouvelables et de récupération » (2017), l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) estimait que sur les 30% du territoire français occupé par la forêt, le prélèvement du bois représentait la moitié de la production biologique nette de la forêt. Le bois est donc abondant et a l’avantage d’être local. Le rapport poursuivait : « Or, avec le prélèvement croissant du bois afin d’assurer la transition énergétique en limitant le recours aux énergies fossiles, le bilan carbone des forêts se trouve bouleversé. » Sachant que la forêt séquestre et substitue le CO2, on peut se demander si la diminution de séquestration est compensée par la diminution des énergies fossiles induite par l’utilisation du bois d’énergie. Mais l’ADEME n’apporte pas de réponse à cette interrogation et aucun chiffre officiel n’est accessible à ce sujet. Son rapporteur poursuivait : « une variation de 1% du stock total de carbone en forêt est équivalente à environ 17% des émissions annuelles de gaz à effet de serre ». Alors comment améliorer le bilan carbone des forêts tout en poursuivant le développement du bois énergie ?

Forêt et temps court, un paradoxe ?

Pour raccourcir le temps de retour carbone (délai nécessaire pour que s’effectue la compensation du manque de séquestration de carbone), l’ADEME suggère d’optimiser les prélèvements en récoltant du bois d’énergie qui se serait de toute façon décomposé. Les bénéfices de la compensation apparaissent alors à court terme, environ dix ans. Rien de très révolutionnaire, n’est-ce pas ce que faisaient les anciens quand ils ramassaient du bois mort ? L’autre compensation suggérée mais ici dans une logique de temps long, c’est de restaurer les forêts qui dépérissent ou de replanter des arbres quand la régénération naturelle n’est pas garantie. Sachant que la forêt privée représente 74% de la surface forestière française contre 26% géré par l’ONF, comment inciter les propriétaires à planter ? Des politiques volontaristes ont été mises en place tant au niveau de l’Europe avec l’aide au boisement et à la création de surfaces boisées qu’au niveau de la France dans le cadre de la relance avec 200 millions d’euros négociés l’été 2020 auprès du  ministère de l’Agriculture et destinés principalement à la plantation sans aucune contrainte. Sur ce budget, 150 millions d’euros sont consacrés au renouvellement des forêts pour mieux les adapter au changement climatique. Il est vrai que les sécheresses répétées ont placé certaines forêts en état de crise sanitaire, cela est d’autant plus marqué lorsque les sols sont sableux et ne retiennent pas l’eau. Par exemple, en forêt de Compiègne où le tiers des peuplements est en voie de périssement, l’ONF et des chercheurs expérimentent le repeuplement dit « îlot d’avenir » ou « forêt mosaïque » (cliquez ici). Est-ce ce type de plan de sauvetage que le ministère veut soutenir en sortant de son chapeau ces 150 millions d’euros ? Il n’a pas échappé aux associations de défense de la forêt française, ni aux agriculteurs soucieux de la durabilité de leur patrimoine forestier que l’aide ne s’accompagnait d’aucune contrainte. Pour eux, le climat sert d’alibi car il n’y a pas de plantation sans coupe rase qui inclue aussi les forêts en pleine santé tandis que la contestation citoyenne s’élève dans le Morvan et en Dordogne.

Que se cache-t-il derrière la forêt ?

La communication du ministère ne tarit pas d’éloge sur notre surface boisée, classée 4ème forêt européenne, riche en biodiversité avec ses 138 espèces d’arbres qui captent 15 % des émissions de  CO2 du pays. Elle précise que 1 m³ de bois utilisé comme matériaux évite 1 tonne de CO2 émise pour la fabrication d’un autre matériau, que 1 m³ de bois stocke 1 tonne de CO2. Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 a l’ambition de garantir une gestion durable de la forêt « en co-adaptant forêt et industrie, dans le respect des attentes des citoyens et dans un contexte de changement climatique ». La tâche est louable mais la contradiction n’est pas loin : les feuillus représentent 72% de nos forêts contre 28% pour les résineux alors que le bois de feuillus ne représente qu’un tiers de la récolte commercialisée de bois d’œuvre et d’industrie, soit 10 millions de m³ contre près de 21 millions de m³ pour les résineux. Le ministère préconise donc que la sylviculture doit évoluer pour fournir aux industries les quantités d’essences que le marché demande « dans des conditions économiques et environnementales performantes ». À ce stade, nous frôlons la schizophrénie.

La sylviculture à l’épreuve

La biodiversité exige une sylviculture « douce » qui respecte la diversité des essences mais les subventions ne s’adressent pas à ce type de plantation. Elles concernent pour l’essentiel une gestion industrielle de la forêt avec des plantations mono spécifiques, la plus part du temps de résineux (épicéa, pin douglas…) dont la faible résilience entraînent des désastres écologiques (attaques massives de scolytes, épuisement des sols sur terrains inappropriés…) De plus, les politiques publiques à travers la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ont des ambitions et tout particulièrement dans le chauffage collectif et industriel : faire passer la consommation de 9,7 millions de tonnes équivalent pétrole (tep = pouvoir calorifique d’une tonne de pétrole) en 2015 à 13 ou 14 Mtep en 2023 (soit une progression de 50%), tripler la consommation du secteur collectif et industriel et faire passer de 8 à 9 millions au moins le nombre de foyers équipés en chauffage à bois. Selon les associations, ces objectifs de valorisation énergétique du bois sont trop élevés et ne permettent pas aux peuplements d’atteindre leur stockage optimal de carbone. Ils exigent que la stratégie nationale biomasse mettent en place des critères de durabilité plus strictes : un rendement énergétique supérieur à 85%, un rayon d’approvisionnement par camion limité à 100 km pour exclure les importations de bois énergie, pas de concurrence avec les autres filières de valorisation du matériau, exclusion des branches de moins de 7 cm de diamètre pour maintenir la fertilité des sols, diversification des peuplements pour résister au réchauffement climatique, une limitation des coupes rases qui affaiblissent la résilience de la forêt (modification des écosystèmes, pertes importantes liées à l’exposition au soleil)… Les critères en terme de récolte croisent les préconisations de l’ADEME notamment dans son guide Récolte durable de bois pour la production de plaquettes forestières (janvier 2021) tandis que l’Agence affirme en préambule que les politiques publiques constituent des cadres structurants pour les orientations du secteur vers une haute performance environnementale.

Et la filière bois énergie dans tout ça ?

Qu’il s’agisse de bois bûche, de granulés de bois, de bois déchiqueté, de la sciure, ces combustibles sont toujours des ressources ligneuses d’origine forestière. Le chauffage au bois fait baisser la consommation de chauffage électrique ou fioul de 40%, et de 30% pour le gaz (source CEREN 2017). Une utilisation qui permet de limiter les émissions issues de la combustion d’énergies fossiles, sachant que 1 m³ de bois rond en substitution d’énergies fossiles dans l’industrie et le secteur collectif permet d’éviter environ 0,5 tonne de CO2 due aux énergies fossiles. Sans oublier que la filière bois est créatrice d’emplois et représente en France l’équivalent de 60 000 emplois, dont plus de la moitié pour l’approvisionnement sont des emplois locaux et non délocalisables. Pour autant, le développement de l’énergie bois dans l’industrie est-elle conciliable avec une exploitation forestière durable où les prélèvements de bois sont inférieurs à l’accroissement naturel de la forêt ? À partir de quelle échelle d’exploitation le bois énergie ne s’insérera-t-il plus dans le cycle du carbone généré par la photosynthèse végétale ?

Depuis 8 ans, l’ADEME a aidé et accompagné 160 projets de grande envergure (< à 1000 tep/an) d’équipement de chauffage en bois énergie pour 240 M€ d’aide sans préciser la répartition des types de ressource ligneuse utilisée tandis qu’aucun chiffre actualisé pour la récolte de bois rond n’a été communiqué.

 

La semaine prochaine nous poursuivrons notre enquête sur le Bois énergie avec le bois bûche et le granulé de bois.

Une interview d’Edgar Morin reliant nos précédents articles en ces temps de pandémie

J’ai trouvé que l’interview d’Edgar Morin réalisé par les journalistes de France-Info à l’aube de son centenaire pouvait être intéressante dans ce qu’il permettait de relire et de trouver un fil commun aux deux derniers articles que nous avons fait paraître dans notre rubrique « libre expression ».

En effet, celui-ci, philosophe de la reliance [acte de relier, de créer des liens entre des personnes ou des systèmes], indique le besoin de relier ce qui a été séparé dans une combinaison de confrontation / coopération et peut renvoyer à la nécessité de recoller les divers morceaux du puzzle de la démocratie fragile. Sans omettre le fait que nous créons nous-mêmes nos propres outils de crise et de destruction massive qui, au-delà de l’objet-robot comme un téléphone 5G, ne doivent pas nous faire oublier qu’il y a dans l’ombre, le sujet qui les a créés avec une possible tentation de totalitarisme et de prise de pouvoir de l’individu sur la masse.

Tout cela dit simplement, avec comme envie finale celle de la fraternité comme transcendance de nos petits oasis, surtout après deux périodes de confinement.

L’interview d’Edgar Morin sur le site de France-Info est ici.

 

 

Convention citoyenne – Démocratie en construction

En lien direct avec l’interview d’Edgard Morin ci-dessus, je vous propose ce documentaire de Naruna Kaplan De Macedo, en libre accès sur le site d’Arte.tv jusqu’au 22 mars.

Synopsis:

À l’automne 2019, à la suite des manifestations des Gilets jaunes contre la taxe carbone et des marches pour dénoncer le dérèglement climatique, une Convention citoyenne pour le climat est constituée en France. 150 citoyens sont tirés au sort selon des critères spécifiques, pour représenter au plus juste la société française. Il y a des hommes, des femmes, des jeunes, des retraités, des paysans, des ouvriers, des riches, des pauvres. Ils et elles sont mandatés par le président Macron pour trouver des propositions à soumettre au gouvernement alliant écologie et justice sociale. La demande est immense, le but ambitieux : les citoyens doivent trouver comment réduire d’au moins 40 % les émissions françaises de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Ces hommes et ces femmes, novices sur ces sujets complexes, vont être formés par des experts et auditionner décideurs, politiques et spécialistes pour forger leurs propositions. Les 150 vont se confronter au vertige de la crise climatique. Ils et elles vont devoir être pragmatiques, se méfier des influences extérieures, garder intactes leurs ambitions initiales. Surtout, les 150 vont apprendre à penser ensemble, devenir un collectif, s’allier les uns aux autres pour trouver des solutions durables et espérer changer la donne climatique.
Par quoi est-ce que ce changement pourrait passer ? L’outil constitutionnel ? Un référendum ? Une campagne de conscientisation ? Des taxes ou des réformes ? Dans un climat de tension politique inédit, doublé d’une pandémie mondiale, les 150 vont s’efforcer de remplir leur mission. Et peut-être même de la dépasser.

 

Visionnez l’intro ici :

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Et cliquez ici pour visionner le doc complet.

Oui la démocratie est fragile !

Ce petit mot se veut comme un prolongement du texte publié par Caroline intitulé « La démocratie, une gageure ? ». Celle-ci l’a écrit plusieurs semaines avant sa publication et il prend tout son sens avec ce qui s’est déroulé à Washington depuis le 6 janvier.

Comme vous, sans doute, j’ai été anesthésié par l’invasion du Capitole, incrédule à l’effondrement d’un pan entier de ce qui faisait la « beauté » de ce grand Etat portant haut le flambeau de la démocratie.

Comment en est-on arrivé à ce moment insurrectionnel ? Car il s’agit bien de cela, d’un acte coordonné et porté par des valeurs reposant sur des flux tendus de mensonges, de menaces et de rejets des résultats pourtant très clairs des élections présidentielles.

Mais il y a plus grave parce que ce fait incroyable il y a encore quelques semaines, met en lumière la désunion, l’affrontement de deux visions du monde qui semblent difficiles à réconcilier tant la confiance en l’autre a été « abîmée ».

Alors Joe Biden va avoir une présidence compliquée car comme il l’a dit dans son discours d’investiture, il va falloir retrouver cette confiance et porter l’envie de retisser du lien entre tous les américains. C’est avant tout se mettre dans la peau de l’autre pour avancer vers lui et trouver un terrain de réconciliation entre deux camps pour le moment désunis.

J’ai trouvé très juste et ambitieux ce qu’il a dit « Nous allons porter la démocratie par le pouvoir de notre exemple » mais cet exercice est et restera périlleux car s’il échoue l’effet sera terrible comme l’ont été les images du Capitole répandues à l’envi par tous les médias mondiaux. Pourtant c’est bien par l’exemple d’un bon usage de la démocratie que celle-ci sortira vers le haut et retrouvera toute sa force de conviction et de rassemblement.

Alors oui la démocratie est fragile et c’est pourquoi il nous faut aussi être vigilants chez nous pour éviter ce rejet de l’autre. Vivre en démocratie ce n’est pas penser tous de la même façon mais c’est respecter l’autre, sa façon d’être, ses opinions pour mieux vivre ensemble.

La 5G et les Amish (deuxième partie)

Amish ratissant le foin dans le sud-est de l’Ohio

Nous avons vu la semaine dernière les évolutions de la téléphonie mobile qui nous permet aujourd’hui avec la 4G, à condition bien sûr d’avoir du réseau, d’accéder rapidement à l’Internet mondial et de pouvoir communiquer et échanger des informations de toute nature (photos, documents…) avec n’importe qui, quel que soit l’endroit où il se trouve.

Que peut donc nous apporter de plus la 5G ?

La vitesse

Encore une fois, les fréquences s’accroissent et les temps de transfert diminuent. Ainsi, le téléchargement d’un album musical de 12 titres qui prend aujourd’hui 15 secondes en 4G n’en prendra plus que 3, soit 12 secondes de gagnées…  c’est sûr que ça va révolutionner nos vies !

Le contrôle des objets à distance

C’est quoi un objet à distance ? Par exemple, une voiture autonome, c’est-à-dire une voiture qui prend elle-même (via son informatique de bord évidemment) les décisions nécessaires pour pouvoir vous emmener en toute sécurité d’un point A à un point B.

Grâce au très faible temps de réactivité (ce qu’on appelle la « latence »), il sera possible de réagir très rapidement, pour effectuer un freinage d’urgence par exemple.  Mais imaginez-vous sérieusement un constructeur qui prendrait le risque de fabriquer une voiture qui aurait besoin d’un réseau sans fil pour déterminer comment réagir à un évènement urgent ? D’ailleurs des véhicules autonomes circulent déjà depuis plusieurs années sans avoir besoin de 5G.

La télémédecine

Rien de tel que de parler d’applications médicales pour emporter l’adhésion du public, car qui serait prêt à sacrifier sa santé dès lors que la 5G pourrait, sinon sauver des vies, au moins améliorer les diagnostics et gagner du temps ?

Tout d’abord, si notre système de santé était à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre d’un pays développé comme la France, c’est-à-dire si nous pouvions avoir accès rapidement à des consultations en cabinet proches de notre domicile, on n’en serait pas à se poser ce genre de question.

Ensuite, tant que le délai pour passer une IRM restera de l’ordre de 6 semaines, ce n’est pas la 5G qui améliorera beaucoup les choses.

Enfin, les systèmes prévus pour la télémédecine, fonctionnent essentiellement via des applications fixes et non mobiles et il sera infiniment plus facile de faire une téléconsultation sur son ordinateur que sur le tout petit écran d’un téléphone. Le réseau sans fil n’est donc pas nécessaire… mais la fibre oui !

Certes, dans des zones désertiques du monde où le plus proche hôpital est à des heures de route en 4×4 par de mauvaises pistes et où il n’y a pas d’infrastructures filaires, cela peut se justifier, mais chez nous en France en 2021, non !

De nouveaux appareils

Pour pouvoir accéder à la 5G il sera nécessaire de changer son smartphone.

Les partisans de la 5G reconnaissent que le recyclage des anciens appareils et la fabrication des nouveaux va augmenter l’empreinte écologique. Mais, argument spécieux, ils précisent que les Français changeant déjà de téléphone tous les deux ans en moyenne alors même que leur appareil fonctionne encore, larrivée de la 5G ne changera pas grand-chose in fine. La belle affaire, nous allons droit dans le mur depuis des années, continuons donc ; Le Titanic coule mais l’orchestre joue toujours !

Une révolution industrielle génératrice d’emplois ?

C’est ce qu’on nous promet avec la conclusion péremptoire de notre ministre de l’Economie qui nous dit : « ce serait donc une erreur dramatique de s’en priver ».

N’avez-vous pas déjà entendu ce genre de discours par le passé ? Et pour quels résultats ?

On nous promet ainsi une augmentation de la production économique mondiale de 12 mille milliards de dollars au cours des 15 prochaines années. Peut-être, mais au bénéfice de qui ? 22 millions d’emplois sont également promis… On croirait entendre un bateleur vanter sa marchandise…

Et pour l’usager ?

Il faudra changer son téléphone mais aussi prendre un nouvel abonnement.

Actuellement, Orange et SFR proposent des forfaits 5G à 95 €/mois, ce qui fait donc 1140 euros par an… Belle somme pour gagner 12 secondes lors du téléchargement d’un album mp3 ! Et rappelons, pour comparaison, qu’on a accès à une trentaine de chaînes TNT pour 138 euros par an (prix de la redevance TV).

L’avis de la Convention Citoyenne pour le Climat

Rappelons que cette Convention Citoyenne a été mise en place par le Président de la République afin de proposer des solutions pour réduire de 40% nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (par rapport à la référence de 1990).

La Convention s’est penchée sur la 5G dans son Objectif 12 qui s’intitulait « Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux »

Elle constate que « Le numérique est un formidable levier pour la transition écologique et la lutte contre le changement climatique » et souhaite que « d’ici 2025 le numérique soit un moyen pour participer à la transition et pas un outil qui contribue toujours davantage à la hausse des émissions ».

Elle note que « la quantité de minerais pour fabriquer des équipements numériques est limitée dans la nature, et que pour une grande partie, l’épuisement total est attendu d’ici 30 ans ».

Elle précise que « les émissions actuelles de gaz à effet de serre liées à notre consommation numérique sont très importantes et en constante augmentation » et qu’elles atteindront en 2025 le niveau de celles de l’industrie automobile.

Conformément à sa Lettre de Mission, la Convention préconise (entre autres mesures fortes) :

–  d’évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences pour son développement.

– d’instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation (en cours) sur la santé et le climat.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Contre l’avis de la Convention Citoyenne pour le Climat, en dépit des craintes sur les effets sur le vivant et malgré de nombreuses pétitions et recours en justice, le gouvernement a officiellement autorisé les opérateurs à activer leurs fréquences sur les sites déjà équipés en antennes.

Le déploiement de ce nouveau réseau nécessitera 10 mille nouveaux pylônes d’ici à 2025 puisqu’à fréquence plus élevée la portée est moindre (souvenons-nous des jours anciens où un seul émetteur grandes ondes suffisait à France Inter pour couvrir la métropole toute entière).

Puisque le but de son déploiement est de faire transiter plus de données, plus lourdes et en moins de temps, elle va démultiplier le volume de données à stocker dans le cloud, c’est-à-dire dans des data centers qu’il faudra alimenter en électricité en permanence.

Plus de machines, plus d’électricité, plus de données : où est la sobriété vantée par ses partisans ?

Enfin, la 5G permettra d’inonder l’environnement d’objets connectés, de mettre en réseau des caméras, drones, détecteurs de mouvement, ouvrant la voie à un monde ultra-automatisé, ultra-surveillé, dominé par l’intelligence artificielle, où le mot Liberté pourrait perdre beaucoup de son sens.

La 5G et les Amish (première partie)

Tout le monde se souvient des récents propos du Président de la République comme quoi ceux qui s’opposeraient au déploiement rapide de la 5G seraient des Amish ou des partisans de la lampe à huile.

Pour rappel, les Amish sont une communauté religieuse chrétienne connue pour mener une vie simple, pacifique et austère, se tenant à l’écart du progrès et des influences du monde extérieur [dixit Wikipedia].

Mais d’abord, qu’est-ce donc que la 5G, la « 5G quèsaco » comme diraient les anciens d’ici ?

Pour le comprendre, il faut commencer par un petit historique puisque 5G signifie Cinquième Génération ce qui veut dire qu’il y en a eu (au moins) 4 autres avant. C’est ce que nous allons voir dans ce premier article, qui sera suivi d’un second la semaine prochaine où je vous présenterai les tenants et aboutissants de cette future nouvelle norme de téléphonie mobile.

La 1G (qui ne portait évidemment pas encore ce nom) est apparue dans les années 80. En France, c’était le réseau Radiocom 2000 qui permettait de recevoir et de passer des appels téléphoniques depuis un véhicule, système réservé à quelques privilégiés vu le coût du matériel.

Poste téléphonique Mich7777

Le réseau 2G (dans les années 90) marque le passage de l’analogique au numérique. Il permet, en plus du transport de la voix, le transport de données de type SMS. Côté émetteur, le signal est échantillonné plusieurs milliers de fois par seconde et découpé en autant de « paquets » qui vont voyager indépendamment les uns des autres, de l’émetteur vers le récepteur.

Les différents paquets peuvent prendre des chemins différents, parcourir des milliers de kilomètres, pour être finalement recombinés à l’arrivée. Chaque paquet porte différentes informations d’identification (notamment un numéro d’ordre) ce qui permet de savoir à l’arrivée s’il en manque et de demander alors leur réémission.

Côté voix, la qualité du signal est généralement nettement moins bonne que ce qu’elle était avec le téléphone classique filaire type PTT.

NOKIA 5190 GSM 2G

Plus de 99% du territoire français est aujourd’hui couvert par la 2G mais il y a encore de nombreuses zones sur Gignac qui ne reçoivent que ces signaux. Lorsque vous êtes dans ces zones, votre téléphone 3G ou 4G bascule alors automatiquement en mode 2G, vous pouvez donc téléphoner et échanger des SMS mais c’est tout.

Allons-nous maintenant aborder la 3G ? Non ! Car entre la 2G et la 3G il y a eu la 2,5G, appelée aussi GPRS.

En effet, la 3G, telle qu’elle était prévue, n’étant pas encore prête, une évolution de la 2G a permis d’accéder à des services internet rudimentaires, ressemblant un peu à ce que proposait le minitel en son temps, c’est-à-dire un accès lent, mais un accès tout de même, à des services internet de base tels que la météo, les cours de bourse, les horaires des trains, et même la messagerie.

Ces téléphones disposaient d’un écran plus grand et en couleur, ainsi que de nouvelles fonctionnalités comme des jeux, une calculatrice ou la radio. C’était aussi la mode des écrans à clapet.

Le NEC N22i, sorti en 2003

Alors, on y arrive maintenant à la 3G ? Toujours pas ! Car entre la 2,5G et la 3G il y a eu la 2,75G, appelée aussi EDGE (quand lettre « E » apparaît en haut de votre écran à la place de « 3G » ou « 4G » ou « H+ »).

La principale différence entre le GPRS et le EDGE, c’est simplement un changement de fréquences qui se traduit, pour l’utilisateur, par un débit de données plus élevé et donc une vitesse d’accès plus rapide.

Le réseau 3G (enfin on y est !) est le plus populaire et le plus connu du grand public. Il permet de naviguer sur l’Internet, d’accéder facilement à son courrier électronique, d’envoyer des photos et des vidéos, ceci grâce à un débit et des vitesses 5 fois supérieures aux générations précédentes. C’est ce qu’on a appelé l’internet haut-débit.

Ces appareils possèdent dorénavant un grand écran tactile (le clavier physique a disparu) et se font appeler smartphones, car la fonction téléphone n’est plus qu’une fonction parmi d’autres : appareil photo, applications indépendantes (avec le Play Store ou l’Apple Store), etc.

En attendant la 4G, la 3G a elle aussi connu des améliorations, portant principalement sur les débits, que vous repérez avec les lettes « H » ou « H+ » qui apparaissent en haut de votre écran, selon le lieu où vous vous trouvez.

J’attire ici votre attention sur le fait que ces différentes normes n’ont rien à voir avec le nombre de « barrettes » que vous voyez également en haut de l’écran qui, elles, représentent la puissance du signal reçu, qui dépend en gros de la distance à laquelle vous vous trouvez de l’antenne.

Quant à la 4G, si elle apporte certaines évolutions techniques, celles-ci sont « transparentes » pour l’utilisateur qui ne bénéficie pas de nouveaux services à proprement parler. D’ailleurs, visuellement,  rien ne permet de distinguer un téléphone 3G d’un téléphone 4G. Mais le marketing fait, une de fois de plus, croire qu’il s’agit d’une évolution fantastique pour pousser à de nouveaux achats puisque les téléphones prévus pour la 3G ne sont pas compatibles avec la 4G (nouvelles fréquences et nouvelles antennes). C’est aussi pour cela que vous voyez des forêts d’antennes sur les pylônes, d’autant que chaque opérateur (Orange, SFR, etc.) installe les siennes.

Et aujourd’hui, c’est la norme 4G+ qui est progressivement déployée, avec des vitesses encore accrues par rapport à la 4G de base,  en attendant la 5G et les Amish dont je vous parlerai la semaine prochaine.

La démocratie, une gageure ?

Nous vivons une étrange période où les principes et les valeurs de la démocratie sont fragilisés à toutes les échelles de pouvoir dans l’indifférence générale. Il faut dire que le glissement s’opère de façon sournoise au gré des transformations sociétales tandis que chacun est bien trop occupé à s’adapter à ces changements et aux paradigmes qu’ils entraînent. Le vote est devenu une sorte de simulacre qui légitime des pratiques de plus en plus banalisées aux marges de la démocratie et des acteurs qui les mettent en œuvre.

Une petite histoire de la démocratie

Prenons un peu le temps de nous pencher sur les origines de la démocratie. Selon les historiens, le mot démocratie vient du grec ancien dokmokratiā dérivé lui-même de deux mots grecs : dêmos qui signifie « les gens ordinaires » et kratos qui veut dire « pouvoir ». La démocratie signifierait alors « le pouvoir des gens ordinaires ». A ses origines, au Vème siècle avant J.C., la démocratie athénienne était fondée sur le principe de participation directe des citoyens qui se réunissaient en assemblée pour décider de toutes les affaires importantes de la Cité et voter les lois à main levée. Chaque citoyen disposait d’une entière liberté de parole et pouvait proposer des amendements sur les projets de lois émis par la Boulé, un conseil de 500 citoyens tirés au sort pour un an.

La démocratie désigne un système politique dans lequel le peuple est souverain. Or, ce concept de souveraineté populaire a donné lieu, selon les contextes et les époques, à des interprétations différentes. Dans ses applications pratiques, la souveraineté populaire peut être l’expression de la démocratie directe comme dans la cité athénienne (le peuple vote les lois) ou de la démocratie représentative comme c’est le cas aujourd’hui dans notre pays (le peuple élit des représentants qui votent les lois). Pour certains philosophes des Lumières, Jean-Jacques Rousseau notamment, la démocratie ne peut-être que directe : « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point. » En 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès (corédacteur de la Constitution française) contredisait Rousseau : « D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. […] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer ».

Quid de la démocratie aujourd’hui ?

Or, aujourd’hui, on assiste à un épuisement de la démocratie représentative et l’idée même de souveraineté populaire est devenue inopérante. Selon le philosophe Michel Foucault, il existe  dans nos sociétés néolibérales des stratégies gouvernementales transversales à la société et à l’Etat qui établissent les normes de nos rapports sociaux. D’après lui, la « gouvernementalité » s’est substituée à la souveraineté. Alors que la démocratie est le fait pour les acteurs sociaux de pouvoir déterminer les normes suivant lesquelles leurs activités sociales sont gouvernées, dans le cadre de la gouvernementalité néolibérale, « les gouvernés ne peuvent décider des règles et des finalités des activités dont ils sont partie prenante dans les institutions de la société ». Dans un tel contexte, la participation à la désignation du souverain ne peut garantir quelque « pouvoir du peuple » que ce soit. Ainsi pour Foucault, les définitions de la démocratie en termes de souveraineté populaire ou de pluralisme des partis ne sont plus adaptées aux transformations du monde contemporain. Son concept précurseur pour repenser la démocratie est d’entrer dans une logique productrice de l’altérité. La démocratie peut exister à la condition que soit portée dans l’espace public une logique générale de réorganisation du monde alternative à la gouvernementalité officielle, un gouvernement autre. En effet, pour le philosophe, la démocratie implique aujourd’hui l’existence d’un pluralisme des gouvernementalités. Il préconise ainsi « le gouvernement du commun ». On assiste déjà ici et là dans le monde à des formes parcellaires de ce type gouvernement, autour de revendications de biens communs, ceux de l’eau ou des terres par exemple. Il se constitue alors des « espaces publics » fondés sur le principe du « bien commun ».

Et Gignac dans tout ça ?

En quoi cette réflexion théorique peut-elle nous aider à penser la démocratie à la petite échelle de notre village ? Il semble intéressant de raisonner en termes de bien commun. Les bâtiments de notre commune et notamment son école sont des biens communs et dans l’idéal de Foucault, ils feraient l’objet d’une gouvernance commune. Si la démocratie participative a essuyé une défaite aux dernières élections, il est en revanche légitime que la population soit associée d’une manière ou d’une autre aux décisions relevant des biens communs. Non seulement cela n’est pas le cas, mais le conseil statutaire a même tourné radicalement le dos à la démocratie en refusant que ses débats soient retransmis. La portée symbolique de ce geste est forte, puisque même à toute petite échelle, celle d’un village comme le nôtre, le déni de démocratie est banalisé et fait partie des pratiques courantes.