Le Parlement étant amené une nouvelle fois à se prononcer dans l’urgence sur un projet de loi comportant des mesures de gestion de la crise sanitaire, la Défenseure des droits souhaite dans ce délai contraint, rappeler (…) un certain nombre de points d’inquiétudes déjà formulés dans ses précédents avis et en formuler de nouveaux.
La Défenseure des droits redit une nouvelle fois que, si la situation de crise exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19 suppose des mesures exceptionnelles, celles-ci doivent se conformer au principe de légalité, et pour cela s’avérer strictement nécessaires, proportionnées et adaptées aux risques sanitaires encourus. Elles doivent être entourées de garanties pour assurer une protection contre les risques d’abus et d’arbitraire.
Tout en reconnaissant l’importance considérable de la vaccination dans la lutte contre la pandémie, la Défenseure des droits souhaite en particulier alerter et faire des observations sur les cinq points suivants.
L’imposition d’un passe vaccinal : la question de la nécessité et de la proportionnalité
Ce projet de loi vient confirmer les craintes précédemment exprimées par la Défenseure des droits en accentuant encore un peu plus le rétrécissement progressif des libertés et en prévoyant une obligation vaccinale déguisée. La question de la nécessité et de la proportionnalité du passe vaccinal se pose à la lumière des données et connaissances disponibles à ce jour qui montrent que si la vaccination protège de façon très significative contre les formes graves de la maladie, son efficacité contre la contagiosité des personnes vaccinées mais infectées semble en revanche plus réduite
Un passe vaccinal contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant
La Défenseure des droits reste particulièrement préoccupée par les mesures qui concernent et affectent directement la vie quotidienne des mineurs et l’exercice de leurs droits.
Les mineurs de 12 à 18 ans se trouvent dans une situation particulière qui justifie pour la Défenseure des droits, également Défenseure des enfants, leur exclusion du passe vaccinal pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, les formes sévères affectant rarement les mineurs, l’argument consistant à justifier le passage du passe sanitaire au passe vaccinal par la nécessité d’alléger la pression sur le système hospitalier ne peut être valablement avancé pour ce qui les concerne.
Par ailleurs, les mineurs de 16 ans ne peuvent être vaccinés qu’avec accord de leurs parents. Ils pourront donc être privés de l’exercice de leurs libertés pour une décision qui ne relève pas d’eux, voire se trouver pris dans des conflits d’exercice de l’autorité parentale comme nous le constatons déjà aujourd’hui.
A défaut d’exclusion des mineurs de l’obligation de présenter un passe vaccinal, la Défenseure des droits considère indispensable que la loi prévoie que soit entendu comme un motif impérieux d’ordre familial, le maintien des liens de l’enfant avec l’autre parent, une personne de sa famille, ou une personne référente pour lui.
Concilier les objectifs recherchés avec les situations personnelles et professionnelles des personnes
La Défenseure des droits est d’avis que le législateur devrait mieux concilier les objectifs recherchés en prenant en considération la situation personnelle et professionnelle des personnes et compléter la loi à cet égard. Le projet de loi reste notamment silencieux sur ce qu’on entend par « motif impérieux d’ordre familial ou de santé », comme sur les justifications susceptibles d’être admises par les responsables chargés de contrôler les documents présentés. L’imposition de ce passe vaccinal dans l’accès à ces services porte directement atteinte à la liberté d’aller et venir, et potentiellement par ricochet à d’autres droits, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale ou encore l’exercice et la recherche d’une activité professionnelle qui peut nécessiter des déplacements de longue distance.
Encadrer davantage le dispositif de vérification et prévenir les risques de discrimination
La Défenseure des droits réitère également ses inquiétudes concernant le choix de confier à des entreprises publiques et privées une forme de pouvoir de police quant au contrôle du passe vaccinal qui vise toutes les personnes souhaitant accéder à des biens et services relevant de la vie quotidienne.
Si l’objectif des dispositions est de lutter contre la fraude, la Défenseure des droits estime qu’un tel dispositif confié au libre arbitre de personnes non formées à cette fin, ne peut être efficace. Ce contrôle devrait relever de la responsabilité des autorités publiques, notamment des forces de sécurité, compte tenu de l’objectif poursuivi et des risques inhérents à l’exercice d’une telle prérogative.
La Défenseure des droits tient en outre à relever que ces vérifications, opérées sans contrôle, peuvent présenter des risques discriminatoires.
Le déremboursement des tests de dépistage
La Défenseure des droits, rappelle une nouvelle fois que le choix de l’exécutif d’instaurer le déremboursement des tests de dépistage de la covid-19, touche plus particulièrement les personnes les plus vulnérables, les plus éloignées du système de santé, et les populations précaires et/ou isolées. Elle ajoute qu’avec l’instauration d’un passe vaccinal, le non-remboursement des tests pour les seules personnes non vaccinées semble dénué de toute justification aussi bien juridique que sanitaire.
Vous pouvez lire l’avis complet de la Défenseure des droits ICI.